Soif
- Marine de Scorbiac
- 6 janv. 2020
- 3 min de lecture
"Pour éprouver la soif il faut être vivant."
Telle est l'épitaphe de cet ouvrage tant attendu d'Amélie Nothomb.
La dame aux chapeaux extravagants ne nous déçoit pas dans le choix de son sujet : Jésus, rien de moins.

"Vivant". C'est bien de cela qu'il s'agit : fils de Dieu, prophète, fondateur d'une religion, homme de l'Histoire ? Même si elle n'occulte aucune des casquettes de son sujet, c'est bien de l'homme qu'elle parle. L'homme avec un petit "h". Celui qui éprouve des émotions, du ressentiment (même s'il s'en défend), de la peur, beaucoup de peur et du plaisir aussi. Ne serait-ce que celui bien innocent, d'étancher ... sa soif. Un être vivant donc... et rien de plus.
Le texte est lui aussi, véritablement à hauteur d'homme : un langage simple, accessible, voir même familier (" En quoi es-tu si différent de nous, Judas ? - Je ne suis pas né le cul dans le beurre.- Comme la plupart d'entre nous. - Ça se voit, que je ne suis pas comme vous, non ?") . Voire simpliste parfois, ce qui rend par conséquent, le propos peu crédible. Je ne vous parle même pas de l'histoire d'amour physique avec Marie Madeleine (Madeleine ! elle a perdu ici son Marie, sans nul doute trop distant ou trop référentiel j'imagine) qui est une légende dont Madame Nothomb ne peut se prévaloir de la maternité tant elle circule depuis des lustres, mais simplement de pensées, de propos. Rapides et simples. Comme si elle voulait aller vite.
Car oui, le livre est court : vite écrit sans nul doute, vite lu aussi.. mais finalement, redondant alors que le nombre de pages est plutôt restreint (152 pages en gros caractères) !
Connaître les pensées d'un condamné à mort qui revisite sa vie à l'aune de la fin qui approche, voilà un challenge intéressant, surtout quand il s'agit de Jésus Christ.

La figure paternelle (Dieu!) est elle aussi bien vite croquée, oubliant par-là même toute la complexité et la beauté des fondations d'une religion millénaire. Des relations finalement basiques, un contenu digne d'une séance de psychothérapie (je me suis surprise pendant ma lecture, à imaginer ce Jésus sur un divan, contant ses états d'âme à un professionnel bien intentionné, mais un peu perdu par ses histoires abracadabrantesques) et un passage en revue rapide et quelque peu subjectif, des grands moments de la vie de notre sujet : les noces de Cana (ah la métaphore filée de la soif!), les miracles, les apôtres, Marie sa mère, Lazare...
Et pourtant... vite lu, vite oublié aussi ! Sans parler de ce petit goût de répétitions, de remplissage pour justifier le challenge tout à fait honorable pour la conteuse d'histoires. Ne peut-on pas tout se permettre dans le fiction ? Alors oui, on peut tout se permettre, mais quand le héros est de cette envergure quoi qu'on en pense et quoi qu'on croit, le propos est vraiment lapidaire. Cela pourrait répondre à une volonté de le rendre accessible, proche de nous et de nos pensées de pauvres hommes simples. Oui, mais au regard du sujet, la moindre des choses aurait été à mon sens, de se mettre... à sa hauteur au moins, dans la qualité du langage.
Je salue l'initiative, mais c'est bien la seule chose que je salue.
Soif de Amélie Nothomb - Albin Michel. Septembre 2019
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