top of page

Les gratitudes

  • Photo du rédacteur: Marine de Scorbiac
    Marine de Scorbiac
  • 15 nov. 2019
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 5 janv. 2020

Pffff... encore un Delphine de Vigan ! Une simple couverture noire ornée d'un coquelicot rouge, une présence remarquée sur les tables des libraires et un matraquage publicitaire. Je m'y plongeais sans grandes attentes, me disant que j'allais probablement passer un bon moment, certes court car le texte n'est pas épais ; facile, car la langue est simple et qu'encore une fois, le battage médiatique ferait le reste pour faire de ce roman, un roman à succès.


ree

Et en fermant ces quelques pages, j'avais à mon tour envie d'exprimer toute ma gratitude à son auteur, pour les émotions simples et authentiques ressenties au cours de ma lecture. J'ai souri, reniflé, prévenu quelques larmes qui menaçaient de s'échapper et franchement ri ! Sans parler de ce sentiment authentique et fort, ressenti pour Michka, pour tou(te)s nos Michkas.


Car ce petit livre sans prétention, parle de nous, de nos "vieux" ("Pourquoi dites-vous « les personnes âgées » ? Vous devriez dire « les vieux ». C’est bien « les vieux ». Ça a le mérite d’être fier. Vous dites bien « les jeunes », non ? Vous ne dites pas « les personnes jeunes » ?"), de nous plus tard, un jour pas si lointain, non ?

ree

Car ce qui est ici subtilement interrogé, c'est notre capacité (volonté?) à comprendre, communiquer avec ceux qui déclinent, de notre patience à écouter, à entendre, les mots de la fin ; ces mots qui se perdent, ceux qui ne se disent pas, ceux qui sont bloqués. Les silences, les absences, les regards vides, les soupirs aussi. La perte progressive du langage de Michka est prétexte à quelques bons mots exploitant la richesse de la langue française, prétexte au rayon de lumière impromptu dans la vie de son orthophoniste, celui qui " travaille avec les mots et avec le silence. Les non-dits. [..] qui travaille avec la honte, le secret, les regrets. [...] avec l’absence, les souvenirs disparus, et ceux qui ressurgissent, au détour d’un prénom, d’une image, d’un parfum. [...] avec les douleurs d’hier et celles d’aujourd’hui. Les confidences. Et la peur de mourir." Et ainsi, de revenir à l'essentiel, à nous, à ce que nous avons besoin de dire ou de ne pas dire.

Oui, ce livre est une histoire d'amour, de mots et de perte. L'amour de Marie pour sa Michka qui a recueilli et aimé cette petite fille sans maman, l'amour de Jérôme l'orthophoniste pour les mots, pour Michka doucement, et par ricochet, pour Marie. Et enfin l'amour de la vie aussi, celui de Michk' pour la petite fille qu'elle a été, pour son histoire sans conclusion, pour cette vie qui n'a pas de sens sans les mots pour la raconter.

Les mots ensuite, tous les mots, y compris les abîmés, les perdus, les incohérents et finalement, les premiers mots, ceux de l'enfance.

La perte enfin. Perte de sens, de lettres, de sons... pour perdre le lien, avant de perdre la vie. Car "vieillir, c'est apprendre à perdre.Encaisser, chaque semaine ou presque, un nouveau déficit, une nouvelle altération, un nouveau dommage. [...] pour apprendre à la toute fin, à"n'avoir plus rien à perdre."


Les gratitudes n'est probablement pas un grand texte au sens littéraire du terme, mais il est un livre utile, émouvant, vivant, ancré dans son époque et vrai. Un livre qui "dit" les mots qui manquent pour parler de ceux qui vieillissent et surtout, pour apprendre avant la fin du grand voyage à dire MERCI.. et je laisserai les derniers mots à l'auteur : " Vous êtes-vous déjà demandé combien de fois dans votre vie vous aviez réellement dit merci ? Un vrai merci. L'expression de votre gratitude, de votre reconnaissance, de votre dette."


Une bien belle occasion de vous poser la question.


Les gratitudes de Delphine de Vigan - JC Lattès. 2019

Commentaires


bottom of page