Joseph Anton, une autobiographie de Salman RUSHDIE
- Marine de Scorbiac
- 28 févr. 2013
- 2 min de lecture

« L’affaire Rushdie », c’était il y a déjà 24 ans ! Et pourtant, cet évènement semble terriblement contemporain car comme l’évoque la quatrième de couverture « l’histoire de Salman Rushdie n’est que le premier acte d’un drame qui continue à se dérouler chaque jour quelque part dans le monde ». Cette condamnation à mort n’avait jusqu’à Joseph Anton, pas de réalité pour moi. Irréelle, idéologique, elle faisait partie même de la littérature de Salman Rushdie, de sa vie. Je ne m’étais même pas posé la question des conséquences réelles d’une telle sanction. Sous la houlette de Conrad et Tchekhov, il nous raconte sa « vraie vie », ses angoisses d’une vie en dehors de la vie. Ce livre est prenant, réel, documentaire.
Continuer à écrire, à aimer, à vivre… pendant 9 années, dans la clandestinité. Survivre avec cette image de soi qui n’est pas soi, vilipendé à travers le monde entier et surtout, surtout… se sentir incompris. Et si cette sentence de l’Ayatollah Khomeiny, ce vieil homme mourant et gâteux, n’était qu’une immense erreur ? Et si, la liberté de penser, d’écrire n’était qu’une farce ? Et si la Vie n’était qu’un songe où les plus proches sont désormais les gardes du corps ; où l’essentiel est de garder le contact avec son fils ; où les amis, les vrais constituent une chaine de solidarité ; et où, finalement, on change alors, radicalement sa vision du monde ? Mais sans se renier soi-même.

La plume est alerte, vive, nerveuse. Salman Rushdie fait du Salman Rushdie, mais avec humanité. Il nous fait partager ses angoisses, sa peur, celle de mourir à chaque instant, sa peur de vivre comme cela, une vie dans l’ombre, une vie au rabais finalement, sans choix. Car la peine la plus lourde aura été celle-là : une vie subie, au rythme des planques et des silences. Et l’anonymat. Heureusement demeure l’écriture. Celle par qui tout est arrivé. Mais celle par et pour qui, il vit. Ce livre est un témoignage et à ce titre, il constituera une preuve et étaiera cette condamnation qui restera un évènement historique et pas seulement personnel. Malheureusement. C’était il y a 24 ans, mais c’est encore d’actualité.
Plon - septembre 2012.
Dans le cadre du Grand prix des Lectrices de ELLE 2013.
Marine de Scorbiac - BOOKinade
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