Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon
- Marine de Scorbiac
- 3 févr. 2020
- 3 min de lecture
Déjà, ce titre : Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon.. une mise au jour de notre rapport au monde. Un rapport au monde unique. Juste et interpellant.
Ensuite, le flair de ma chère amie libraire (Comme une Orange - Paris XVII !!) qui dès fin août me tend ce petit livre d'un ciel bleu traversé d'un avion, en me disant : "tu vas aimer, c'est un chouette roman. Un bon, un vrai roman." Et elle avait raison ! Ce roman nous embarque dans un monde que l'on n'aurait difficilement pu imaginer seul, et pourtant qui existe et que l'on traverse le temps des 256 pages. Fou mais crédible.

Une langue aussi. Un verbe dansant, des phrases pleines de sens pour dire le quotidien comme les états d'âme, une musique douce et douloureuse qui embrasse de bout en bout. Tant et si bien, qu'une fois terminé (à regret) le voyage, j'ai éprouvé le besoin d'y revenir pour pêcher quelques phrases qui m'avaient secouées.
Et enfin, les paysages de ce roman : une église ensablée dans les dunes d'une plage, une mine d'amiante à ciel ouvert et les méandres d’un fleuve couleur argent, les ondes sonores d'un orgue ou les traînées de condensation d'un aéroplane, autant d'images étonnantes mais jamais dissonantes, qui hantent le héros dans sa cellule.
Car Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon, c'est l'histoire d'un drôle de vie hors des sentiers battus : une vie bohème, constituée d'un patchwork de cultures et de personnages cabossés qui se démènent comme ils le peuvent, pour conserver leur équilibre durement acquis, dans un monde normé et il faut bien le dire, souvent injuste.

Tout commence dans une cellule, au sein de la prison provinciale de Montréal. Paul Hansen y purge sa peine en compagnie d'Horton, un Hells Angel incarcéré pour meurtre. Mais comment en est-il arrivé là ? Fils d'un pasteur danois et d'une exploitante de cinéma à Toulouse (déjà, il fallait l'imaginer, non ?), Paul Hansen vivait déjà au Canada quand s'est produit le drame. À l'époque des faits, Paul est super intendant à L'Excelsior, une résidence où il est à la fois concierge, gardien, factotum, et (plus encore) oreille attentive, réparateur des âmes et consolateur des affligés. Lorsqu'il n’est pas occupé à venir en aide aux habitants de L'Excelsior ou à entretenir les bâtiments, il rejoint Winona, sa compagne, et leur chienne. "Elle avait grandi dans le corridor des légendes, ces histoires édifiantes qui refaçonnaient l'origine des temps, qui disaient que les loups avaient appris aux hommes à parler, qu'ils leur avaient enseigné l'amour, le respect mutuel et l'art de vivre en société. Et aussi les ours. Et les caribous. Ils étaient nos ancêtres comme les aigles, et les arbres de la forêt, les herbes des prairies. Nous mangions tous cette même terre et, le moment venu, elle aussi nous mangerait."
Forte de cette sagesse et de cette culture authentique mais si prégnante, la jeune femme emmène Paul en plein ciel, au volant de son avion, au-dessus des nuages, dans les paysages merveilleux de son pays.
Mais un nouveau gérant arrive à L'Excelsior, créant conflits et tensions. C'est alors que l'inévitable se produit.
Ode à la fraternité, à l'authenticité et ...à leur prix : le sentiment de révolte à l'égard de toutes les formes d’injustice. Et aux conséquences qui en découlent alors que rien ne laissait le présager.
Mais surtout, un retour à l'authenticité des émotions, à la saveur des rires et des larmes, de la perte et de la joie du travail bien fait. Monsieur Dubois, merci pour votre univers et votre style. Merci pour ce bout de ciel bleu.
Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon de Jean-Paul Dubois. Editions de l'Olivier - 2019
Commentaires