top of page

Les Bourgeois

  • Photo du rédacteur: Marine de Scorbiac
    Marine de Scorbiac
  • 3 nov. 2017
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 5 janv. 2020


Ce n'est pas une énième saga familiale que Les Bourgeois d'Alice Ferney, c'est bien plus que cela. Au-delà de l'album de famille, c'est aussi une page d'Histoire, une liasse de photographies jaunies, des visages familiers, des expressions d'une époque et un instantané de France de 1920 à aujourd'hui.

De la première guerre mondiale à nos jours, à travers les vies de Henri et Mathilde et leurs (nombreux) descendants, on vibre, on pleure, on s'engage, on se reproduit, on pouponne, on éduque, on se désespère et on espère pour, en et au nom de la France. Une France du XXème siècle tellement plus vivante et réelle que les manuels figés d'histoire.

Alice Ferney en fait une photographie éclairante, émouvante et d'autant plus juste que, comme elle le dit avec finesse en dépeignant cette famille, "j'ai compris ce qu'ils ne savaient pas pendant qu'ils vivaient et mesuré ce que j'ignore." Décrire une réalité avec quelques années de recul, des témoins et beaucoup d'affection, lui aura permis de peindre une toile colorée, incomplète mais très incarnée, et par conséquent, qui sonne très juste.

Des 10 enfants Bourgeois, on retiendra que "les 6 aînés de la fratrie ont eu 23 enfants en 24 ans. Les 4 "petits" commencent leur cycle de fécondité au moment où meurt leur père." Une vaste dynastie, "Henri et Mathilde ont eu 40 petits enfants. Leurs 10 enfants étaient nés en 20 ans, de 1920 à 1940, leurs petits enfants naissent pendant 33 ans, de 1943 à 1976. Les générations se chevauchent." Et pas seulement les générations, mais aussi les idées, les idéaux, influencés par les événements, les rencontres, les joies et les difficultés. Les épreuves comme ils disent ...

Ils se retrouvent pour les baptêmes, les mariages et les enterrements, se serrent les coudes et sont fiers de cette vaste famille à laquelle ils appartiennent. Car c'est ainsi que "la vie proliférante a fabriqué ce micmac, énormité et emmêlement, un goût d'éternité heureuse. C'était le temps du bonheur de créer." Les prénoms se succèdent, racontant aussi une certaine France, religieuse et fière de ses racines : Jean, Jules, Louise et Nicolas, côtoient Jérôme, Claude et André. Les garçons sont très virils, et les filles sont très épouses et mères. Ils ont été soldats, marins, négociants, médecin et même, prêtre. Caricatural me direz-vous ? Ou plutôt hommes et femmes de leur temps, c'est à dire d'une époque, où toute contribution était attendue et balisée et où chacune et chacun jouait une partition pour laquelle il avait été élevé.

Au fil des pages et des générations, l'auteure dessine par petites touches cette France qui n'est plus vraiment, et dont les derniers témoins parlent avec nostalgie et douleur parfois : les conflits (1ère et 2nde guerre mondiale, Indochine, Algérie), les héros (Pétain, de Gaulle, Pompidou ou Mauriac pour ne citer qu'eux), les évolutions sociales et notamment la place de la femme (sa place, son travail, la contraception) dans la société, mai 68, l'école libre ou la sexualité.

Mais aussi, et c'est ce qui fait son sel, les us et coutumes, les expressions ("ce qui se fait"), les traditions d'une caste, d'un monde qui sont passés au crible. Des pratiques et usages passés au tamis de ce temps qui passe et qui secoue le terreau dans lequel se sont enracinées ces familles bourgeoises ou aristos, qui à l'image d'Henri, Mathilde et leurs enfants, se sont construits sur des valeurs, des idées et des idéaux aussi. Et dont l'objectif d'une vie, est de passer le relais, de transmettre à leur descendance ce bagage riche de leur histoire, et par là même de l'Histoire.

Car finalement, là est l'enjeu de ce livre je pense... la transmission malgré tout. Comme le cite avec malice Alice Ferney, "s'il avait vécu ce printemps (mai 68), le grand-père aurait pu prononcer le mot de François Mauriac : l'important, c'est d'être vertueux. Rien n'est plus important pour la jeunesse que d'être vertueuse."

Pour ma part, j'y ai retrouvé des dates, des noms, des lieux appris sur les bancs de l'école ; des idées, des odeurs, des images et des mots transmis par mes grands-parents et mes arrières grands-parents ; mais surtout, j'ai ressentis joie spontanée, tristesse nostalgique et fierté enthousiaste à lire cette France, à rencontrer ces français de souche et fiers de l'être que sont les membres de la famille Bourgeois. Une bien jolie rencontre, qui fait écho à l'histoire familiale et à ce que j'aimerais (ou pas) transmettre à mes enfants..

Les Bourgois de Alice Ferney - Actes Sud- septembre 2017

Marine de Scorbiac - BOOKinade

 
 
 

Commentaires


bottom of page